Monday, January 2, 2012

A Maurice, la nature finit par dire non à tous les excès. Mais pas les hommes.

Avant, l’île aux Cerfs c’était LA « carte postale » la plus connue de Maurice.

Et puis, au début des années 2000 un groupe hôtelier mauricien demanda et obtint de l’état la privatisation de ce bien public.

L’embarcadère de toujours qu’empruntaient Mauriciens et touristes pour se rendre sur l’île leur fut dès lors interdit, et réservé aux seuls clients dudit groupe hôtelier chaussés de marron et de blanc. C’est que celui-ci demanda et obtint aussi un permis pour construire un parcours de golf sur ce joyau naturel de l’île Maurice.

Le Golf de l'Ile aux Cerfs

Les arbres furent coupés, la terre et le sable retournés et câblés, et le golf fut construit.  Problème, l’île ne dispose pas de ressources en eau… Pas de problème, un réseau de canalisations fut créé dans la mer pour pouvoir arroser l’herbe à golfeur. Tout ça parce que le premier terrain de golf de l’histoire fut créé à St Andrews, en Ecosse, lieu pluvieux et vallonné, donc tous les golfs du monde se doivent d’être à son image. C’est ça, un golf : l’Ecosse, n’importe où.



Résultat : après quelques années d’exploitation, le canal séparant l’île aux Cerfs de l’îlot Mangenie se boucha. Ce canal s’appelle (s’appelait) en effet « la passe Grand Courant », mais avec la présence des canalisations sous-marines maintenues par des lests, l’arrosage intensif du green et la pollution des nombreux bateaux qui fréquentent le lieu, le courant ne passe plus. Et le plus bel endroit de l’île aux Cerfs, peut être du monde, s’est transformé en marécage glauque aux eaux stagnantes. Les algues vertes y pullulent, dégageant une odeur pestilentielle.

Et la carte postale n’existe plus que dans les boutiques de souvenir.




Mais tout ça ne compte pas, seul compte le « développement » de Maurice :

-        ce même groupe hôtelier lorgne à présent sur l’île voisine, l’îlot Mangénie, ou il souhaite construire des suites d’hôtel… Nous verrons si cette fois-ci encore il obtient son permis, mais on peut raisonnablement parier que oui. Faites vos jeux, rien ne va plus à l’île Maurice.

-        un autre conglomérat mauricien a pour projet de transformer la mangrove aui borde ce lagon « resorts» et  « villas IRS de luxe ». Nous pouvons parier sur des plages artificielles en remplacement de la mangrove, phénomène de plus en plus courant a Maurice. Ce lieux jusqu’ici épargné s’appelle Beau Rivage, mais on poussera sans doute le « développement » jusqu’à effacer des mémoires ce nom trop mauricien pour en autre plus « exotique », à l’instar de tous les AnahitA, TamarinA, ShankarA, TahitiA et autres MelliA VillA qui envahissent l’île.

On arrête pas le « progrès »… mais on devrait peut-être quand même y songer quand il prend ce visage.

Mangrove de Beau Rivage, aspect actuel

Vue d'ensemble

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De la ressource en eau à Maurice :

L’eau est rare à Maurice.

De nombreuses familles mauriciennes ne bénéficient souvent que de quelques heures d’approvisionnement très tôt le matin et dans l’après-midi. C’est la raison pour laquelle les Mauriciens les plus aisés possèdent un réservoir d’eau, qui leur assure une fourniture plus régulière.
Les nombreux «beach resorts » et « villas IRS » qui poussent à la dizaine aux quatre coins de l’île aggravent donc le problème, qui n'est pas pris en considération par les promoteurs. En effet, ces nouvelles constructions sont bien plus consommatrices en eau qu'une maison mauricienne ordinaire, puisque toutes leurs chambres ont leur propre salle de bain à vasques multiples, douche et baignoire, et que chaque unité a sa piscine privée, voire son jacuzzi, le tout au milieu de jardins qui doivent rester verts et fleuris…

...Situation d’autant plus clivante que le prix d'un logement IRS représente des centaines d’années de travail du Mauricien lambda, ils sont donc de fait réservés a une clientèle étrangère.


Ci-dessus - Coupures d'eau: les habitants de L'Espérance expriment leur mécontentement.
Vendredi 5 novembre 2010 (L'Express)


Les « IRS »

IRS : Integrated Resort Scheme.

Deux principaux partis politiques s’affrontent à Maurice. Durant la campagne législative de 2005, l’un de ces partis propose pour la première fois d’autoriser la vente de biens immobiliers aux étrangers, mais uniquement à l’intérieur de vastes enclos coupés du reste de l’île, les IRS. L’autre parti s’y oppose farouchement, et est élu. L’année suivante, il autorise pourtant la construction des IRS.

Depuis, des centaines d’hectares de terres sauvages, dans les plus beaux sites de l’île, ont été « développés » pour les non mauriciens, qui seuls ont les moyens financiers d’acheter les terrains, appartements et maisons (dites « villas IRS »).

A peu près un quart des projets ont été réalisés jusqu’ici, sur une superficie qui totalise des centaines d’hectares. A terme, ce sont des milliers d’hectares qui, d’espaces naturels et tranquilles, deviendront des parcs à étrangers un peu partout sur l’île. La modification du paysage, à l’échelle de la petite île Maurice, est d’une ampleur sans précédant.

Phénomène inconnu jusque dans les années 2000, ces projets s’accompagnent de bouleversements irréversibles du pourtour côtier : plages artificielles, creusement de marinas, destruction de la mangrove, création de récifs et îles artificielles.


Depuis 2006, la législation mauricienne ne cesse d’évoluer afin de favoriser ce phénomène ( en plus des IRS ont été mis sur pied les "Real Estate Scheme", les "Invest Hotel Scheme", et le gouvernement autorise depuis la fin de 2011 les achats dans tous les immeubles de trois étages ou plus par les non-Mauriciens).

Les promoteurs présentent des projets de plus en plus ambitieux, avec toujours plus d’appartements, « villas », centre commerciaux, lotissements, sur des superficies totalisant des milliers d'hectares… Le Maurice à taille humaine que nous connaissons encore un peu disparaît à vue d’oeil.

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